Le 21 décembre 2018, la Direction nous adressait des vœux plein d’enthousiasme en dressant le bilan de l’année écoulée. Un message qui a laissé perplexe un grand nombre d’entre nous car il ne reflète pas notre quotidien, quel que soit notre secteur d’activité dans le Groupe.
S’il est indéniable que la situation globale s’est améliorée par rapport aux années précédentes, nous sommes loin de la communication autosatisfaite de nos dirigeants et la seule perspective qui nous est offerte pour 2019 semble être une politique d’économies strictes, seule à même d’assurer, en termes d’affichage tout au moins, des résultats acceptables. La Direction nous avait pourtant assuré en juin dernier que le chantier de réduction des coûts fixes était terminé et que nous devions désormais retrouver le chemin de la croissance et de l’investissement. Après des années de manque de vision stratégique, de perte massive de clients et de dégradation d’image, nous restons sceptiques sur la reconquête annoncée de nos abonnés. Si la perte d’un million d’abonnés ces dernières années est liée à une concurrence accrue dans un marché en constante évolution et à une législation souvent trop défavorable, elle est surtout due à une image fortement dégradée par des « bad buzz » à répétition et des choix éditoriaux qui se sont trop souvent révélés être des échecs. En l’absence d’une vision stratégique claire et innovante, nous n’avons pas su préparer l’avenir et avons laissé le champ libre à nos concurrents.
La restructuration du Pôle Edition, accouchée au forceps après deux ans d’atermoiements, a non seulement ralenti l’activité, mais aussi fragilisé nombre de salariés, dont beaucoup attendent encore de savoir quel sera leur avenir, quand ils ne sont pas déjà partis. De plus, le départ de la responsable du Pôle marque, étude et stratégie éditoriale, alors qu’elle venait tout juste d’être promue, renforce le sentiment que certains intérêts personnels ont primé sur l’intérêt de l’entreprise. Cette décision qui reste inexpliquée et incompréhensible, jette le trouble au sein des équipes concernées et renoue avec un « climat de terreur » que l’on croyait passé.
Coté abonnements, le retour affiché de la croissance s’explique essentiellement par la structure de nos nouvelles offres commerciales. La migration de nos anciens abonnés Canalsat vers la nouvelle offre, qui inclue forcément Canal+ fait gonfler les chiffres de la chaine, mais que se passera-t-il lorsque cette réserve sera épuisée ? Si malgré l’augmentation significative des offres sans engagement nous avons réussi à maintenir le revenu moyen par abonné et que notre taux de désabonnement est proche des minima historiques, si nous n’arrivons pas à séduire de nouveaux prospects, particulièrement dans les nouvelles générations, nous devons nous attendre à voir nos revenus et notre résultat diminuer.
L’amélioration de nos résultats financiers n’est aujourd’hui portée que par les économies drastiques menées ces dernières années. Elles ne seront pas, elles non plus, extensibles à l’infini. Notre activité Pay TV reste donc fragile et la question est de savoir ce que sera le Groupe Canal de demain : un agrégateur, un distributeur ou un éditeur de programmes ? Si nous avons reconquis les droits de la Première League, nous avons surtout perdu pour la première fois de notre histoire l’ensemble des droits de la Ligue 1, ce qui nous met face à une situation inconnue dont nous mesurons mal aujourd’hui quelles seront les conséquences.
Le modèle reste à repenser, mais il est à craindre qu’il ne se fasse sans de lourdes conséquences sociales. Malgré le retard pris dans la politique de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, la Direction saura-t-elle anticiper ces bouleversements et accompagner, dignement, les salariés ?
Coté Pôle gratuit, les pertes restent importantes, surtout si on les compare au chiffre d’affaire de cette activité qui, rappelons-le, devait être au départ un relais de croissance pour le Groupe… La fin annoncée de l’investissement sur ces chaines ne peut que nous inquiéter. Le chiffre d’affaire est en baisse constante depuis 3 ans et, si la stratégie d’optimisation des coûts permet de réduire les pertes à court terme, que se passera-t-il après ? Si la chaine CStar affiche un fragile équilibre, il n’en n’est rien de C8, soumis à la dépendance d’un seul producteur, dont le contrat, hors des réalités du modèle économique de la chaine, a été négocié directement par notre actionnaire et pèse lourdement dans les comptes (250 millions d’euros sur 7 ans). Quant à CNews, désormais régulièrement dépassée par LCI, elle peine à retrouver sa dynamique d’avant crise avec une rédaction décimée qui tente de maintenir la tête hors de l’eau dans des conditions difficiles. Notre régie publicitaire, Canal+ Brand Solutions subit par contrecoup les mauvais résultats du pôle gratuit, tandis que la Canal Brand Factory n’est pas le relais de développement souhaité.
Malgré les beaux succès des films en salles en fin d’année dernière, Studiocanal ne décolle pas, avec un chiffre d’affaire qui augmente mais un résultat globalement faible, inférieur aux objectifs fixés.
Sur le terrain social, l’année 2018 a encore vu partir des salariés dans le cadre d’un plan social consécutif à l’arrêt d’émissions emblématiques qui ont marqué l’histoire du Groupe : « L’effet Papillon », « L’album de la semaine » et bien sûr « Les Guignols ». Plus généralement, ce sont les intermittents qui subissent depuis septembre les conséquences d’une politique de diminution de recours à l’intermittence qui réduit leur nombre de journées travaillées. Pire, et c’est une première dans l’histoire de l’audiovisuel, diminue leurs tarifs. Pour certains personnels, parmi les populations les plus précaires, les baisses atteignent 30% de leur rémunération ! Malgré les demandes insistantes de +Libres, tout cela s’est passé sans aucune concertation sociale, sous la pression de la direction des achats.
Et la NAO dans tout ça ?
Nous regrettons que le budget global d’augmentation des salaires, 1,9% (1,1% pour les revues salariales + 0,2% pour les avances sur échelon + 0,4% pour les métiers en tension + 0,2% pour réduire les écarts femmes-hommes), ne permette pas de récompenser les salariés de l’UES à la hauteur de leur investissement dans un contexte plus difficile et plus complexe que les années précédentes. Malgré cette déception, nous avons pris nos responsabilités et avons choisi de signer l’accord pour ne pas prendre le risque que la Direction revienne sur sa proposition initiale (1,5%).
Nous avons également demandé et obtenu que des discussions se tiennent prochainement pour régulariser des erreurs d’ancienneté de certains salariés, issus notamment de Direct 8, ainsi que pour préciser les conditions des conventions individuelles de forfait pour des salariés de la DTE.
Enfin nous sommes satisfaits qu’après nos discussions avec la Direction, le plafond de la prime « Macron » ait été relevé, permettant son attribution à un nombre plus important de salariés qu’envisagé au départ, même si nous regrettons que cette prime ne soit pas distribuée à un plus grand nombre, comme le permet la loi.
C’est donc dans cette ambiance morose que nous commençons l’année 2019. Si nous avons collectivement besoin d’entendre un discours positif et conquérant de la part de nos dirigeants, nous devons aussi être conscients des grandes difficultés qui nous attendent. Nous avons besoin de savoir si notre actionnaire nous soutient ou s’il nous regarde nous éteindre à petit feu…
L’avenir du Groupe passe quoi qu’il en soit par une remotivation et un respect des salariés. Cela induit d’instaurer de la liberté et de l’autonomie dans nos modes de management et de favoriser le courage managérial. Il faut retrouver notre énergie créatrice, cela passe inéluctablement par une profonde réforme de notre gouvernance.
Vous pouvez compter sur la vigilance et l’engagement de vos élus et représentants +Libres pour défendre vos intérêts !